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RDC : Olive Lembe Kabila, l’autre première dame !

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Mardi, 27 septembre 2022-Depuis que son mari a quitté le pouvoir, en 2019, elle est sortie de l’ombre et joue de son influence pour critiquer Félix Tshisekedi. Portrait d’une femme d’affaires devenue très « politique ».

Deux ans que Félix Tshisekedi attendait cela. Ce jeudi 30 juin, le président congolais réunit le gratin politique kinois. Les équipes de la télévision nationale sont mobilisées, et les tentes dressées sur le boulevard Lumumba accueillent les invités de marque, au premier rang
desquels le président du Congo voisin, Denis Sassou Nguesso.

Ce soixante-deuxième anniversaire de l’indépendance de la RDC a valeur de symbole pour Félix Tshisekedi. Les reliques de Patrice Lumumba, icône nationale assassinée en 1961, vont bientôt reposer dans le mausolée construit pour l’occasion sur la place dite de l’Échangeur, dans la commune de Limete.

Le chef de l’État congolais a la ferme intention de faire de ce moment un événement à la hauteur du héros de
l’indépendance.

Poignée de VIP

Le même jour, se tient une autre cérémonie. Moins solennelle, plus discrète aussi, elle fait tout autant jaser dans le marigot kinois. Au rez de chaussée de la tour Kiyo Ya Sita, sur le boulevard du 30-juin, Olive Lembe Kabila inaugure un centre hospitalier Initiative Plus – du nom de sa fondation.

Une poignée de journalistes a été conviée. Quelques VIP, proches de Joseph Kabila, aussi. Il y a là Emmanuel Ramazani Shadary, l’ancien dauphin du raïs, Raymond Tshibanda, le coordonnateur du Front commun pour le Congo (FCC), ou encore Aubin Minaku, l’exprésident de l’Assemblée nationale.

ELLE ÉGRATIGNE VOLONTIERS L’ADMINISTRATION TSHISEKEDI TOUT EN VANTANT L’HÉRITAGE DE SON MARI

L’ancienne première dame a l’habitude de ces raouts. Ils sont toujours l’occasion de mettre en avant les activités philanthropiques de sa fondation. Depuis que Joseph Kabila a quitté le pouvoir, ils lui offrent aussi un espace pour égratigner l’administration Tshisekedi tout en vantant l’héritage de son mari.

« Mon cher époux, lance-t-elle ce jour-là, d’où vous êtes, d’où vous travaillez la terre, dans le Haut-Katanga, pour nous nourrir, nous vous appelons, parce que nous avons encore besoin de vous. Partout où je vais, ces derniers temps, tout le monde vous réclame. » Autant de phrases piquantes qui font rapidement le tour des réseaux sociaux.

Autrefois en retrait, Olive Lembe Kabila n’a jamais été aussi visible que depuis qu’elle n’est plus première dame. Le 9 juillet dernier, c’est en présence de quelques dizaines d’invités triés sur le volet qu’elle a inauguré les installations hôtelières du parc de la vallée de la N’sele, la réserve naturelle que son mari a créée à une cinquantaine de kilomètre de la capitale.

Au programme : tyrolienne, boîtes de nuit et restaurants gastronomiques aménagés dans la carlingue d’un Boeing et d’un Lockheed TriStar qui, jadis, reliait Kinshasa à Bruxelles.

C’est ici, non loin de la ferme de Kingakati, où Joseph Kabila passe aujourd’hui le plus clair de son temps, qu’Olive Lembe déploie une partie de ses activités.

Un business florissant, qui mêle tourisme et développement durable, et s’étend à trois autres parcs du pays.

« Elle y consacre l’essentiel de son précieux temps », s’enthousiasme Angélique Kanam, sa conseillère en communication, familière du clan Kabila depuis la des années 1990.

Et tout comme son époux se rêve en gentleman farmer, Olive Lembe revêt dès qu’elle le peut ce costume de « première dame rurale ».

Tout cela ne suffit cependant pas à faire oublier la tonalité très politique de ses interventions publiques qui, chaque fois,
enfièvrent la capitale.

Au crépuscule du régime mobutiste

C’est pourtant loin de Kinshasa qu’elle a vu le jour, en 1975. Fille de Barnabé Sita Kinsumbu, un Yombe du Kongo-Central, et de Léonie Kasembe Okomba, une Anamongo du Maniema, Marie-Olive Lembe di Sita naît à Kailo, dans le Maniema.

Ce n’est pas son père biologique qui l’élève mais un Belge, Camille Adam, qui épouse sa mère et adopte légalement les enfants de celle-ci. Olive grandit au sein d’une famille recomposée et nombreuse : quatre frères et trois sœurs.

Elle décroche son baccalauréat en 1992, mais arrête là ses études, faute de moyens.

Au crépuscule du régime mobutiste, l’instabilité gagne progressivement l’Est du pays. Ses frères et sœurs partent tous en Belgique. Olive, elle, reste au pays.

Elle se lance dans le commerce de
produits agricoles dans le Kivu, puis tente sa chance dans le business de l’automobile.

Son premier véhicule, elle va l’acheter à Dubaï, espérant le revendre au prix fort au Congo. Elle ne le sait pas encore, mais c’est cette voiture qui l’amènera, quelques mois plus tard, à rencontrer Joseph Kabila.

Automobile confisquée

Nous sommes en mai 1997. L’Alliance des forces démocratiques pour la libération du Congo (AFDL), dirigée par Laurent-Désiré Kabila, vient de renverser Mobutu, au pouvoir depuis trente-deux ans.

Les rebelles d’hier sont les nouveaux maîtres du pays. « Ils raflaient presque tout, alors Olive a décidé de retourner à Goma et de laisser le véhicule qu’elle venait d’acheter garé sur la parcelle où elle louait un studio », raconte l’un
de ses proches.

Un jour, un diplomate en poste en RDC manifeste son intérêt pour la fameuse voiture.

Las, le jour où la vente doit être conclue, l’automobile est confisquée par un jeune militaire zélé, que le Mzee a récemment promu général : John Numbi.

Numbi est un proche de Joseph Kabila, commandant des forces terrestres de la nouvelle armée congolaise et fils du président.

Nullement impressionnée, Olive Lembe se rend au camp Kokolo pour réclamer son véhicule.

« Elle a été chassée une première fois mais, comme elle insistait, John Numbi l’a fait arrêter », poursuit un autre de ses proches.

Libérée une semaine plus tard grâce à l’entregent d’un ami de la
famille, elle est mise en contact avec Joseph Kabila.

« Quand il a décroché le téléphone, elle s’est mise à pleurer », raconte une amie du couple.

Elle parvient à lui arracher un rendez-vous et à obtenir la restitution de son véhicule (il sera plus tard racheté par l’armée).

Nous sommes en septembre 1997. Olive Lembe et Joseph Kabila ne se quitteront plus.

Jeunes mariés

De leur union naîtront deux enfants : Sifa Kabila, qui porte le prénom de la mère du raïs, et Laurent-Désiré, en hommage à son père assassiné. Olive est catholique ; Joseph, protestant. Leur mariage, célébré en juin 2006, plusieurs années après leur rencontre, sera une grande cérémonie œcuménique.

Ce jour-là, deux hommes d’Église officieront : le cardinal Frédéric Etsou et l’évêque Pierre Marini Bodho, président de l’Église du Christ au Congo.

Les jeunes mariés recevront aussi la bénédiction du cardinal Laurent Monsengwo, président de la
Conférence épiscopale nationale du Congo (Cenco). Farouche opposant à Kabila pendant ses dernières années au pouvoir, Monsengwo conservera jusqu’à sa mort, en juillet 2021, de bonnes relations avec Olive Lembe.

Celle-ci s’entend également fort bien avec la famille de son mari. On la dit proche de sa belle-mère, Sifa Mahanya, à qui elle rend régulièrement visite à Lubumbashi, ainsi que de la sœur jumelle de l’ex-président, Jaynet, et de leur frère cadet, Zoé, qui fut gouverneur de la
province du Tanganyika.

L’ex-première dame a également su gagner le respect des collaborateurs de son mari, dont elle est l’éminence grise et qu’elle conseille dans l’ombre. Son influence est indéniable.

Officiellement, elle n’est ni membre du Parti du peuple pour la reconstruction et la démocratie (PPRD) ni adhérente du FCC.

En 2018, elle avait néanmoins apporté un soutien public à Emmanuel Ramazani Shadary, originaire comme elle du
Maniema.

Perçue comme plus facile d’accès que son époux, elle passe pour modérée et joue aisément les intermédiaires auprès de personnalités du camp opposé.

Au risque, parfois, d’alimenter suspicions et rumeurs, comme lors de sa visite à la famille de Vital Kamerhe, le 8 juillet 2020.

Président de l’Assemblée nationale sous Joseph Kabila, Kamerhe venait d’être condamné en appel à vingt ans de prison pour corruption et détournement de deniers publics. Son avenir politique aux côtés de Félix Tshisekedi paraissait plus qu’incertain. La visite d’Olive Lembe avait
d’autant plus été remarquée.

L’ancien directeur de cabinet de l’actuel chef de l’État a, depuis, été acquitté et réhabilité.

« Première dame rurale »

Deux mois plus tard, on verra Olive Lembe échanger quelques mots avec Jean-Pierre Bemba, le patron du Mouvement de libération du
Congo (MLC), et avec son épouse, Liliane. La scène se déroule en la cathédrale Notre-Dame du Congo, à l’occasion d’un hommage à une
sœur cadette d’Antoinette Sassou Nguesso, première dame du Congo voisin.

À Kinshasa, où les jeux d’alliances font et défont des carrières politiques et où chacun attend que l’autre se positionne en vue de la prochaine élection présidentielle, la présence d’Olive Lembe, de nouveau, ne passe pas inaperçue.

Ses proches assurent pourtant qu’elle ne fait pas de « politique politicienne », tout au plus « de la politique sociale ».

À ceux qui lui reprochent de faire de l’ombre à l’actuelle première dame – elle aussi très active par le biais de sa propre fondation, Olive Lembe oppose systématiquement la même réponse : « Seule Denise Nyakeru [Tshisekedi] est première dame de la République. Appelez-moi “la première dame rurale”. »

Officiellement, Madame Kabila n’est donc que femme d’affaires. Elle n’est pourtant jamais bien loin de la politique et se fait volontiers la porte-parole de son mari.

En juillet 2021, lorsqu’elle lance la cellule juridique d’Initiative Plus, elle n’hésite pas à interpeller Félix Tshisekedi sur
le fonctionnement de l’appareil judiciaire, qu’elle juge « sélectif ».

À cette époque, plusieurs proches de Joseph Kabila – notamment l’ancien patron des services de renseignements Kalev Mutond – ont maille à partir avec les magistrats.

Les commentateurs ne manquent pas de faire le lien entre sa remarque et ces affaires.

Quelques mois plus tard, en mars 2022, la voici à Kalemie, sur les rives du lac Tanganyika. Face à des entrepreneuses, elle appelle à « faire confiance à Joseph Kabila, un nationaliste [et un] grand patriote à l’esprit révolutionnaire ».

Sous les ovations de la foule, elle poursuit en vantant « sa jeunesse » et « son expertise ». Manière de préparer son retour sur le devant de la scène ? Elle n’en dit mot, bien sûr. Mais le raïs laisse faire, et continue d’entretenir le suspense.

Stanis Bujakera/Jeuneafrique

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