Mardi, 12 juillet 2022-Escroquerie, détournement, faux et usage de faux, blanchiment d’argent… voilà les griefs qui pèsent sur l’homme d’affaires Pascal Beveraggi, ancien Président du Conseil d’administration de NB Mining dans une affaire « rocambolesque » qui l’oppose à Maître Dorothée Madiya Mwamba.
Les faits remontent aux années 2016, 2017, 2018, 2019 et 2020 pendant que Maître Dorothée Madiya Mwamba était l’avocate conseil de NB Mining SA, une société minière importante qui a son siège à Lubumbashi, dans la province du Haut-Katanga. Dans le travail qu’elle effectuait pour la société, elle était rémunérée en termes d’honoraires.
Après chaque exercice et, dans les termes conventionnels conclus entre elle et la société, Dorothée Madiya Mwamba établissait les notes d’honoraires ou des notes des frais qu’elle transmettait à la société et cette dernière était chargée de payer. « Jusque-là, l’histoire est assez normale… Mais voilà que Monsieur Pascal Beveraggi s’est permis de changer carrément les notes d’honoraires qui étaient présentées par l’avocate de la société. Pour un exemple très simple, à la date du 4 novembre 2017, Maître Madiya présente à la société une note d’honoraires de 7.000 $, Monsieur Pascal se fait payer 452.000 $. », explique dans une conférence de presse animée ce mardi 12 juillet à Kinshasa, Me Gérard Kabemba, avocat conseil de la plaignante.
En des termes simples, poursuit-il, « Me Madiya donne une note et Monsieur Beveraggi fait fabriquer une autre note avec les mêmes indications référentielles mais change le montant. Comme c’était lui le PCA, donc il a un pouvoir assez illimité sur la société, la note est aussitôt approuvée ou acceptée et la société paye le montant sur base non pas des notes d’honoraires présentées par Maître Dorothée Madiya mais plutôt des notes fabriquées par Monsieur Pascal Beveraggi. »
À en croire ses propos, pendant plus de deux ou trois ans, la surfacturation effectuée par Pascal Beveraggi a atteint le montant de 5.528.453 dollars. « Avec les nouvelles technologies, les services de comptabilité du cabinet Madiya envoyait les notes scannées par mail. Et une fois les notes arrivées là-bas, c’est ça le processus criminel maintenant, il prenait ces mêmes notes, il traficotait et imitait la signature. Mais, on ne pouvait pas imiter le nom qui était écrit. Et comme il n’y a pas des crimes parfaits, vous allez vous rendre compte que les indications changeaient et les caractères aussi changeaient. Et bien sûr, cela n’était pas très important ! Ce qui était important, c’est les montants qui changeaient », dévoile Me Gérard Kabemba.
La TVA s’invite dans le dossier…
Dans une autre facture, le cabinet fait une note d’honoraires de 5400 dollars et Pascal Beveraggi se fait payer 260.172 dollars. Ce processus a été fait pendant trois, quatre ans. « Avec un autre conseil d’administration à la tête, la société va nous fournir toutes les factures qui étaient effectivement sur le circuit pour le payement. Mais pourquoi la société devait le faire ? La réponse est simple. C’est parce qu’il y a la question de la fiscalité et parafiscalité qui est derrière. Parce que, vous, avocat qui êtes chargé de collecter la TVA, vous êtes dans l’écriture comptable de la société. Et donc Maître Dorothée Madiya, qui, sur papier, a touché plus de 5 millions de dollars, doit au fisc 16% de ses honoraires, donc plus de 800 mille dollars américains. Au jour d’aujourd’hui et au regard des écritures de la société NB Mining SA, Me Dorothée Madiya est redevable de la TVA sur les 5 millions. Nous sommes donc face à cette situation », a-t-il poursuivi.
Il y a lieu de rappeler que Me Dorothée avait porté plainte auprès du Parquet de Lubumbashi, « mais c’était sans se rendre compte que Monsieur Pascal Beveraggi avait plusieurs tours dans ses manches. Finalement, il est arrivé à Kinshasa et avec l’appui de certaines personnes, il a quitté le territoire congolais alors qu’il était interdit de quitter le pays », regrette l’avocat de la plaignante.
La CENAREF officiellement saisie…
Étant donné l’ampleur de la situation, en dehors de la plainte déjà déposée à Lubumbashi, Dorothée Madiya, par ses conseils, a officiellement saisi la Cellule nationale des renseignements financiers (CENAREF). Pour les avocats de Maître Madiya, il fallait utiliser tous les moyens pour ne pas apparaître comme complice dans cette affaire grave.
« Nous avons porté plainte au niveau de la CENAREF pour des raisons évidentes parce que 5 millions de dollars ont été acquis d’une manière frauduleuse et dont la destination reste quand même inconnue. Pour ne pas être associé, d’une manière ou d’une autre à une activité illicite, nous avons porté cette affaire à la CENAREF. Notre Petite joie était de nous rendre compte que Monsieur Pascal Beveraggi avait beaucoup d’autres dossiers suffisamment fournis au niveau de la CENAREF », a-t-il annoncé.
Madiya déterminée à laver sa réputation…
Après avoir saisi la CENAREF, Madiya Mwamba, dans ses droits, a également décidé de fixer l’opinion tant nationale qu’internationale sur cette affaire. Voilà donc tout le sens de la conférence de presse animée par son conseil. « Nous avons décidé d’alerter l’opinion d’abord parce que c’est un droit de Me Dorothée Madiya de porter à la connaissance de l’opinion nationale et internationale qu’elle est victime d’une escroquerie qui ne dit pas son nom, d’une personne qui a abusé de sa position pour établir des écrits en faux. Une deuxième raison, c’est le contexte et nous sommes heureux aujourd’hui d’entendre un discours sur l’Etat de droit et une certaine conscience de justice. Il est tout à fait normal pour Maître Dorothée Madiya d’exiger que justice soit faite », fait remarquer Me Gérard Kabemba.
Aux dernières nouvelles, Pascal Beveraggi est de retour à Kinshasa depuis quelques semaines. La justice congolaise est donc appelée à traiter rapidement ce dossier, établir des responsabilités et que les coupables soient punis conformément aux lois de la République.
Kevin INANA