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Santé

Vaccination contre Sars-cov-2 (covid-19) : où en est l’Afrique ? (Tribune)

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29 mars 2021-Depuis le 2 janvier 2020, l’OMS travaille sur une épidémie responsable d’une pneumonie atypique mortelle apparue en Chine causée par un nouveau coronavirus appelé SARS-COV-2 (Severe Acute Respiratory Syndrome coronavirus type 2) responsable de la pandémie actuelle. Le virus dont les réservoirs naturel et intermédiaire sont la chauve-souris et le pangolin possède une courte période d’incubation (5±2 jours) et se manifeste essentiellement par la fièvre, la toux, les courbatures, la perte du goût et de l’odorat ainsi que par une détresse respiratoire fatale. Son taux de mortalité selon l’OMS (2020) est resté élevé soit 15 % chez les patients admis en hospitalisation.

Johns Hopkins University (JHU) a globalement dénombré en date du 25 Mars 2021 un total de 126. 128. 373 personnes infectées avec 2.768. 660 décès dont plus de 110.000 en Afrique.
Aucun traitement formel n’existe encore et seule la vaccination pourrait aider à développer une protection collective durable qui rendrait possible un retour à la vie normale.

Vaccin contre COVID-19 : données
Une année après, environ 258.616.411 doses de vaccins ont été administrées dans 128 pays. Sur les 230 candidats- vaccins, 7 sont utilisés dans au moins un pays. Israël a été le plus rapide à initier une vaste campagne de vaccination contre COVID-19 avec plus du tiers de sa population qui a reçu au moins une dose.

La plus vaste quantité des vaccins les plus prometteurs en 2021 a été rachetée par les pays les plus nantis qui ne représentent que 16% de la population mondiale selon Duke University’s Global Health Innovation Center.

Les officiels de l’OMS et bien d’autres organisations ont averti la communauté internationale d’une part sur le danger d’une distribution inéquitable du vaccin contre COVID-19 et de l’autre sur les possibilités de voir apparaître des mutants contre lesquels les vaccins actuels seraient inefficaces.

La pandémie à COVID-19 pourrait disproportionnellement frapper les individus appartenant au groupe BAME (Black, Asian and Minority Ethnic) entendez : populations noire, asiatique et ethnies minoritaires du monde que l’on retrouve en majorité dans les pays aux économies fragiles.

Entretemps, les puissances occidentales telle que le Royaume Uni et l’Union Européenne ont déjà stocké des quantités considérables de vaccins entre autres Pfizer-BionTech, Moderna, Oxford –AstraZeneca, Gamaleya, Sputnik V, Sinopharm et Sinovac dont bénéficieront en priorité les vieillards, les professionnels de santé et les patients avec morbidités associées (Hypertension, Diabète sucré, Obésité,…) avant l’été 2021.

Economist Intelligence Unit (EIU ,2021) a rendu public un rapport selon lequel les nations riches avaient suffisamment des vaccins pouvant couvrir leurs populations respectives jusqu’à quatre doses pendant que celles d’Afrique, d’Asie du sud et d’Amérique Latine n’en avaient pas encore accès. EIU a renchéri que 84 pays pauvres pourraient manquer de vaccin contre COVID-19 jusqu’en 2024.

Des agences internationales de défense des droits des malades telles que Amnesty international, Frontline AIDS, Global Justice Now et Oxfam ont à leur tour prévenu qu’un total de 67 pays à faibles revenus n’accéderont pas au vaccin en 2021.Des pays tels que la Guinée Conakry , la Guinée Equatoriale, le Sénégal, l’Egypte et le Maroc ont respectivement pu acquérir le vaccin Russe Sputnik-V et Chinois Sinopharm.

La Côte d’ivoire, le Ghana et la RDC sont bénéficiaires du programme GAVI-COVAX-AMC (Global Alliance for Vaccine and Immunization , COVID-19 Vaccines Global Access, Advanced Market commitment), une initiative mondiale codirigée par CEPI (Coalition for Epidemic Preparedness Innovations), et l’OMS qui font le plaidoyer pour une distribution équilibrée des vaccins dans le monde.

Cette campagne a permis de disponibiliser près de 3 millions de doses d’Oxford-AstraZeneca.
AstraZeneca, fabriqué par la firme SII (Serum Institute of India), commercialisé par COVISHIELD sous le nom ChAdOx1 nCov-19 Corona Virus Vaccine (Recombinant) est une dose de 0,5 ml contenant 5×10 particules virales extraites des Adénovirus du Chimpanzé capables de reconnaître et de neutraliser la protéine de surface-S du virus SARS-COV-2 responsable de la pandémie COVID-19.

Estimé efficace contre le virus à hauteur de 76 à 82% par l’EMA (European Medicine Agency), spécialement contre la forme originale du virus de Wuhan/Chine (MN908947.3) après administration de la première dose, le vaccin a obtenu une autorisation urgente dite EUL (Emergency Use Listing) délivrée par l’OMS en date du 15 Février 2021. Il devra s’administrer en deux doses espacées de 8 à 12 semaines et se conserver entre +2 et +8°C sur recommandation du NCCS (The National Cold Chain Delivery Service). AstraZeneca est un vecteur viral atténué et adapté à partir du virus de la Grippe saisonnière.

L’Angola a emboîté les pas en devenant le premier pays d’Afrique Australe à recevoir 624. 000 doses d’AstraZeneca.
En Afrique du Sud, les essais cliniques pour le même vaccin ont révélé une faible protection contre la variante sud-africaine connue sous le nom B.1.351 ou N50IY.V2 qui a aussi été identifiée au Botswana, au Ghana, au Kenya, dans l’Archipel des Comores, en Zambie et dans 24 nations non-africaines.

Malgré l’appui des institutions telles que l’OMS, UNICEF (United Nations International Children’s Emergency Fund) ou encore du PAHO (Pan American Health Organization) au secteur de la santé dans les régions fragiles du monde, l’Afrique doit encore relever de nombreux défis tels que la sécurisation des ingrédients du vaccin, les quotas de production, les retards dans la livraison, la vétusté infrastructurelle et la pénurie d’agents qualifiés.
Que devrions-nous faire ?

1. Investir dans la sélection, le recrutement, la formation des superviseurs et la formation continue du personnel à déployer sur terrain lors des opérations.

Les critères de présélection doivent prioriser la probité morale des candidats, le sens du leadership, la disponibilité, l’expérience, la compétence et encourager particulièrement les postulants féminins. De nombreuses plateformes voient le jour en ligne avec une certification internationale à cette fin.

2. Intégrer les considérations d’ordre éthique et les droits humains dans nos protocoles nationaux.

L’OMS a mis en place deux structures d’accompagnement pour cette fin. Il s’agit respectivement de The Access to COVID-19 Tools (ACT) et International Working Group (IWG) qui ont pour responsabilité d’accélérer le développement, la production, l’accès équitable aux traitements, aux tests et au vaccin contre SARS-COV-2 (COV-19).

Sahoo (2020), psychiatre Indien a démontré que la pandémie COVID-19 faite d’émotions négatives qui entretiennent la peur et les hésitations. L’influence des médias sociaux rend plus difficile le discernement sur le message authentique concernant le vaccin contre COVID-19.

Raison pour laquelle les personnes à haut risque (vieillards, professionnels de santé, maladies chroniques) ont droit à une information transparente et claire avant de valider leur consentement.
Les psychologues et activistes pro-défenseurs des droits de l’homme doivent être associés aux équipes qui vaccinent.

3. Prendre en compte la vulnérabilité des femmes et des personnes vivant avec handicap (PVH).

Durant les confinements à domicile, les violences basées sur le genre ont augmenté sensiblement avec près de 2 millions de filles victimes de mutilations sexuelles suivant un bulletin des Nations Unies (UN, 2020). Les difficultés pour accéder aux contraceptives ont entraîné plus de 7 millions de grossesses non désirées en six mois de confinement avec 13 millions de mariages des adolescentes en Asie et en Afrique. Rappelons que 70% des travailleurs dans le secteur-santé sont des femmes.

Elles sont par conséquent plus que vulnérables au COVID-19. Selon ONU femmes (2020), l’impact économique et social de la pandémie va pousser 96 millions d’individus dans le monde vers une pauvreté extrême en 2021 dont 47 millions sont des femmes et des filles adolescentes.

Par ailleurs la marginalisation des PVH pourrait s’accentuer par manque d’accès à l’information, aux soins et aux EPP (équipements de protection personnelle) à en croire Stakeholder Group of Persons with Disabilities for Sustainable Developement (SGPD, 2020). Vacciner équitablement serait agir avec justice.

4. Renforcer les mécanismes de contrôle et d’assurance – qualité de nos laboratoires.

Malgré les bénéfices potentiels du vaccin, les capacités restent faibles pour la plupart des systèmes de santé des pays d’Afrique Sub-saharienne. Ce travail suppose le monitoring minutieux de l’efficacité des vaccins, la compréhension de la dynamique de transmission des maladies infectieuses, la surveillance épidémiologique, l’identification des souches virales nouvelles y compris de celle des cas importés, des variantes résistantes au vaccin et des variantes dérivées du vaccin. Cette expertise nécessite des méthodes standardisées conformes aux normes internationales pour améliorer la fiabilité des résultats dans le continent noir. Un consortium dénommé PANGEA (Phylogenetics and Networks for Generalized Epidemics in Africa) promeut une surveillance de niveau moléculaire ou génomique qui sera utile pour le développement des vaccins en Afrique dans un proche avenir.

Notre continent a besoin d’un système de santé efficient et à la hauteur des attentes de ses habitants. Cette transformation exige des efforts financiers, une bonne gouvernance, la promotion de la recherche et des infrastructures appropriées pour gérer à la fois les enjeux sanitaires de l’heure et anticiper les interventions en cas d’épidémies ultérieures.

Dr. MUNKANA MATADI B.
Médecin Diplômé en gestion du VIH/SIDA
Stellenbosch University, 2020
drpapymkn@gmail.com

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