Vendredi, 2 juin 2023-L’OMS affirme que l’augmentation des zones de culture du tabac nuit à la sécurité alimentaire et nutritionnelle sur le continent africain.
L’Organisation mondiale de la Santé (OMS) aurait-elle enfin trouvé l’argument inédit pour ses campagnes anti-tabac qui s’essoufflent autant qu’un fumeur invétéré ? Les dangers sanitaires de la cigarette peinent à convaincre les consommateurs sujets à l’addiction. Les photos morbides ne choquent guère les blasés des réseaux sociaux « trash ». Quant à la dissuasion par l’augmentation du prix, elle touche moins le continent africain, objet d’un marketing particulièrement agressif de l’industrie du tabac et d’un environnement réglementaire plutôt laxiste.
Le nombre de consommateurs de tabac dans la région africaine de l’OMS est passé d’environ 64 millions d’adultes en 2000 à 73 millions en 2018, tandis que les fumeurs sont de moins en moins nombreux à l’échelle de la planète.
Sécurité alimentaire et écosystèmes fragilisés
Dans un communiqué daté du 31 mai – journée mondiale sans tabac –, l’Organisation onusienne s’adresse moins au portefeuille ou aux poumons qu’à l’estomac. La directrice régionale de l’OMS pour l’Afrique, la docteure Matshidiso Moeti, affirme que l’abandon du tabac au profit de cultures vivrières nutritives pourrait permettre « de nourrir des millions de familles et d’améliorer les moyens de subsistance des communautés agricoles du continent ».
Selon les statistiques de l’OMS, la superficie consacrée à la culture du tabac a augmenté de 3,4 % en Afrique, entre 2012 et 2018, tandis qu’elle a diminué de 15,7 % au niveau mondial. Au cours de cette période, la production de feuilles de tabac a diminué de 13,9 % au niveau mondial, alors qu’elle a augmenté de 10,6% en Afrique.
Non seulement les plans de tabac prennent la place des céréales ou des légumes, mais ils fragilisent les écosystèmes, épuisent la fertilité des sols, contaminent les masses d’eau et polluent l’environnement. In fine, la production de tabac exacerbe la insécurité alimentaire et nutritionnelle, dont souffrent 57,9% des Africains, à des niveaux modérés à graves.
Se tourner vers les cultures vivrières
Deux cent soixante-dix huit millions de personnes sont formellement confrontés à la faim en Afrique. Or l’intensification des conflits, des extrêmes climatiques et des chocs économiques contribuent, ces derniers mois, à une tendance fâcheuse, en matière d’accès à l’alimentation.
En parallèle des campagnes anti-cigarette grand public, l’OMS tente donc d’aider les cultivateurs de tabac à se tourner vers des cultures vivrières. Ces deux dernières années, des expériences ont été menées au Kenya, en Ouganda ou encore en Zambie. Les Nations unies invitent les gouvernements à mettre fin aux subventions fournies à la culture du tabac et à investir ces sommes dans les programmes de conversion agricole. Reste à savoir si le lobbying industriel saura contrecarrer cette évolution…
Article tiré de JeuneAfrique