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Justice

RDC-Justice : la mise en quarantaine des droits de la défense en droit pénal militaire, cas de la détention préventive (Tribune de Me Christian Mukungampio)

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22 juillet 2021-Dans une tribune, Me Christian Mukungampio Mukwa, assistant de recherche à l’Université de Kinshasa propose une analyse profonde sur la mise en quarantaine des droits de la défense en droit pénal militaire, cas de la détention préventive. Ci-dessous, l’intégralité de sa réflexion !  

INTRODUCTION

Le régime de la détention préventive attire l’attention d’un grand nombre de juristes et ce, notamment pour son rapport immédiat et sensible avec les
exigences de la sauvegarde de la liberté personnelle.

En effet, lorsqu’il y a eu commission d’une infraction et que le magistrat
instructeur venait d’ouvrir un dossier d’instruction préparatoire, la constitution de la RDC du 18 février 20062 ainsi que les lois prévoient la détention préventive comme une mesure exceptionnelle au cours de l’instruction car la liberté étant le principe.

Certes, la constitution et les lois de la république ont doté le parquet de certains pouvoirs dont celui de placer l’inculpé en détention préventive mais elles ont veillé à ce qu’il n’y ait pas d’abus.

Pour ce faire, il existe certaines garanties procédurales dont le droit à la défense.

S’agissant de droit de la défense, l’article 19 in fine de la Constitution de la RDC dispose : « … Le droit de la défense est organisé et garanti.

Toute personne a le droit de se défendre elle-même ou de se faire assister d’un défenseur de son choix et ce, à tous les niveaux de la procédure pénale, y compris l’enquête policière et l’instruction pré juridictionnelle.

Elle peut se faire assister également devant les services de sécurité ».

Il découle de cette disposition constitutionnelle qu’à n’importe quelle étape de la procédure pénale, le droit de la défense doit être garanti à la personne
incriminée. Ce droit à la défense implique notamment le droit à un avocat, le droit d’être informé des motifs de son arrestation.

Il en est de même lorsque la personne incriminée doit être placée en détention préventive, il doit être pris en compte son droit de défense.

C’est dire que la personne poursuivie a le droit de contester son placement en détention préventive.

La consécration de droit de la défense dans la constitution nous parait salutaire et sage dans la mesure ou le droit de la défense fait partie des droits de l’Homme, les Droits de l’Homme étant inaliénables, universels, indivisibles.

Contrairement à la procédure pénale ordinaire qui a pris en compte le droit de la défense pendant la procédure de détention préventive, la loi n° 023/2002
du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire n’a pas aménagé un
cadre approprié susceptible de prendre en compte le droit de la défense pendant la détention préventive, ce droit est en veilleuse.

En effet, en dépit de la disposition constitutionnelle liée au droit de la défense, le code judiciaire militaire ne tient nullement compte de droit de la
défense lors de la détention préventive.

Certes, le droit pénal militaire tend
notamment à renforcer la discipline au sein de la troupe avec des dispositions
pénales particulières et rigoureuses mais la question de droit de la défense relève des droits de l’homme qui du reste sont indivisibles et inaliénables.

Faire de la justice militaire un instrument du pouvoir judiciaire au service duc commandementconstitue une entorse à un procès équitable. L’inculpé des juridictions militaires ne peut aucunement contester son placement en détention préventive car le code judiciaire militaire a reconnu ce pouvoir à l’auditeur militaire qui décide de manière discrétionnaire sans prendre en compte le point de vue de l’inculpé.

Eu égard à tout ce qui précède, il importe donc de se demander pourquoi le code judiciaire militaire n’a-t-il pas pris en compte le droit de la défense pendant la procédure de la détention préventive ?

Quelles sont les conséquences de la non prise en compte de droit de la défense ?

Cette recherche tend à démontrer la manière dont la détention préventive est organisée en droit pénal militaire(I) et s’active à faire un plaidoyer en faveur de la prise en compte de droit de la défense (II).

I. CONSIDÉRATIONS GÉNÉRALES SUR LA DÉTENTION PRÉVENTIVE
EN DROIT JUDICIAIRE MILITAIRE

Le droit pénal militaire étant un droit pénal particulier, il nous a paru
impérieux de faire l’esquisse de la détention préventive telle qu’organisée par le législateur afin d’éviter tout malentendu.

La détention préventive en droit pénal militaire est décidée par l’auditeur militaire seul (B) moyennant des conditions pour sa mise en œuvre(A).

A. Les conditions légales de la mise en détention préventive

Étant une décision exceptionnelle, la détention préventive est conditionnée
par certaines conditions qui sont prévues par les articles 2058 et 2069 de la loi
n°023/2002 du 18 novembre 2002 portant code judiciaire militaire.

Il se dégage de la lecture minutieuse et croisée de ces dispositions légales qu’il y a des conditions strictement cumulatives de mise en détention préventive et des conditions cumulatives renforcées des conditions alternatives.

1. Conditions strictement cumulatives de mise en détention préventive

Ces conditions sont posées par l’article 205 du code judiciaire militaire qui
dispose : « La mise en détention des personnes constitue une exception, la liberté étant la règle.

Toutefois, lorsque le magistrat instructeur militaire compétent pour engager les poursuites estime que le fait constitue une infraction que la loi réprime d’une peine d’un an de servitude pénale au moins et qu’il existe des indices sérieux de culpabilité, elle peut soumettre tout justiciable des juridictions militaires à des mesures judiciaires de liberté contrôlée ou le détenir provisoirement pour une durée qui ne peut excéder
quinze jours ».

Il se dégage de la lecture de cette disposition légale que les conditions ci-
après s’invitent :

– L’interrogatoire préalable de l’inculpé par le magistrat instructeur militaire
Il sied de noter que même si cette condition ne découle pas de la teneur de
deux dispositions légales susmentionnées, elle s’avère indispensable pour permettre au magistrat instructeur de constater l’existence des indices sérieux de culpabilité et de vérifier la peine minimale du fait punissable qu’il entend proposer à la juridiction compétente. En sus, l’interrogatoire préalable de l’inculpé se veut un devoir substantiel du respect des droits de la défense.

Cependant, dans la pratique judiciaire, l’interrogatoire du prévenu est devenu une simple formalité pour le magistrat. En effet, au lieu que l’interrogatoire serve aussi de la défense au prévenu, le magistrat se contente simplement à poser quelques questions « stéréotypées » formalistes. Cet interrogatoire ne permet pas non plus au magistrat de s’imprégner de la personnalité du prévenu. Dans la plupart des cas, il s’agit des interrogatoires sommaires permettant aux magistrats de s’acquitter d’une formalité.

Il a été jugé que l’interrogatoire préalable de l’inculpé comme la consignation sur procès-verbal et la signature de celui-ci constituent des formalités substantielles touchant directement aux droits de la défense. Comme il s’agit d’obligations d’ordre public, la violation d’une quelconque de ces règles ne peut être rectifiée ou corrigée par la chambre du conseil, viciant ainsi toute la procédure et entrainant la nullité du mandat d’arrêt provisoire.

Le juge peut dès lors ordonner la mainlevée de la détention préventive.

– L’existence des indices sérieux et suffisants de culpabilité

Les indices sérieux et suffisants de culpabilité peuvent être perçus comme
des éléments d’apparence sérieuse et suffisante que renferme un dossier
judiciaire et sur lesquels se fonde raisonnablement le magistrat ou le juge pour décider la privation de liberté de la personne poursuivie par le parquet.

Les indices sérieux de culpabilité sont de nécessité absolue. Mérite cassation
totale pour absence de motivation, l’ordonnance appelée en ce que cette
dernière avait omis de relever l’existence des indices sérieux de culpabilité dans le chef du prévenu, étant donné que cette existence d’indices sérieux de
culpabilité est la condition fondamentale pour la mise en détention
préventive.

– Le fait constitue une infraction assortie d’une peine minimale d’un an

Dès l’abord, le magistrat instructeur militaire doit vérifier si le fait reproché à l’inculpé est prévu et sanctionné par la loi pénale en vertu du principe de la légalité criminelle. En effet, lorsque le fait rapporté au magistrat instructeur
militaire est de caractère civil, ce dernier ne peut aucunement procéder à la
détention peu importe les intérêts civils mis en jeu ou le dommage subi par la
partie lésée.

Une fois que le magistrat instructeur militaire, après qualification, s’est rendu compte que le fait constitue bel et bien une infraction, il doit vérifier si ce fait est puni d’une peine d’au minimum d’un an avant d’envisager un quelconque placement en détention préventive.

Un magistrat qui s’amuserait à détenir quelqu’un pour un fait non
infractionnel s’expose aux sanctions prévues par l’article 67 du décret du 30
janvier 1940 portant code pénal congolais.

Il y a lieu de préciser que ces conditions sont cumulatives de sorte que lorsqu’une condition fait défaut, le magistrat ne peut pas procéder à la détention préventive.

2. Conditions cumulatives renforcées des conditions alternatives

Ces conditions trouvent comme fondement l’article 206 de la loi sous-
examen qui dispose : « L’inculpé contre qui il existe des indices sérieux et suffisants de culpabilité peut néanmoins être mis en détention provisoire lorsque le fait constitue une infraction punissable d’une peine inférieure à un an mais supérieure à six mois, s’il y a lieu de craindre sa fuite, ou si son identité est inconnue ou douteuse ou si, eu égard à des circonstances graves et exceptionnelles, sa détention est impérieusement réclamée par l’intérêt de la sécurité publique… »

L’analyse de cette disposition légale nous permet de constater qu’il y a d’une part des conditions cumulatives dont l’interrogatoire de l’inculpé par le
magistrat instructeur militaire, l’existence des indices sérieux et suffisants de
culpabilité et le fait parait constituer une infraction assortie d’une peine inférieure à un an mais supérieure à six mois et d’autre part il y a des conditions alternatives ci-après :

– Soit le risque de fuite de l’agent ;

– Soit l’identité de l’inculpé est inconnue ou douteuse ;

– Soit l’intérêt de la sécurité publique réclamée en raison des circonstances
graves et exceptionnelles.

En somme, il faut que toutes les conditions cumulatives soient réunies et on y ajoute l’une des conditions alternatives.

Contrairement au droit commun qui subordonne la décision de placement
de la détention préventive à l’autorisation du juge de paix siégeant en chambre du conseil, le code judiciaire militaire ne prévoit nullement un contrôle  juridictionnel de la détention.

B. L’unilatéralisme décisionnel

En droit pénal militaire, seul l’auditeur militaire décide en matière de la
détention préventive et de sa prorogation.

En effet, l’article 209 du code judiciaire militaire dispose : « Si l’instruction
de l’affaire doit durer plus de quinze jours et que le magistrat instructeur militaire
estime nécessaire de maintenir l’inculpé en détention, il en réfère à l’auditeur militaire.

Celui-ci statue sur la détention provisoire et décide sur sa prorogation pour un mois ; et, ainsi de suite, de mois en mois, lorsque les devoirs d’instruction dument justifiés l’exigent.

Toutefois, la détention préventive ne peut être prorogée qu’une fois si le fait ne parait constituer qu’une infraction à l’égard de laquelle la peine prévue par la loi n’est pas supérieure à deux mois de servitude pénale. Si la peine prévue est égale ou supérieure à six mois, la prolongation de la détention préventive ne peut dépasser douze mois consécutifs.

Dépassé ce délai, la prorogation est autorisée par la juridiction compétente.

A tout moment, le détenu préventif peut demander à l’auditeur militaire sa remise en liberté ou sa mise en liberté provisoire ».
La lecture de cette disposition légale nous permet de constater l’absence de
contrôle juridictionnel et l’inexistence des voies de recours.

1. Absence de contrôle juridictionnel

Le code judiciaire militaire reconnait à l’auditeur militaire le pouvoir de placer l’inculpé en détention préventive.

En effet, le mandat d’arrêt provisoire décerné par le magistrat instructeur
militaire a une validité de 15 jours.

Si le magistrat instructeur désire détenir
l’inculpé au-delà de ce délai, il s’en réfère à l’auditeur militaire qui statue sur la détention préventive et sa propagation éventuelle.

En clair, l’auditeur militaire est juge et partie car c’est son dossier et ce pouvoir lui reconnu par la loi n’est pas à l’abri des abus car la loi ne prévoit nullement un contrôle juridictionnel de la détention comme il en est ainsi dans le code de procédure pénale.

2. Inexistence des voies de recours
Lorsque l’auditeur militaire décide de la détention préventive, la loi n’a prévu aucune voie de recours contre la décision prise par l’auditeur militaire.

Contrairement au droit commun qui prévoit l’appel contre les ordonnances prises par le juge de paix en chambre du conseil en matière de détention préventive, le code judiciaire militaire n’a pas prévu les voies de recours en matière de détention préventive.

Cette manière de légiférer est tributaire des violations des droits de l’Homme car le justiciable des juridictions militaires placé en détention préventive ne peut exercer aucun recours contre la décision prise par l’Auditeur militaire statuant en détention préventive.

Il est à noter que le juge compétent ne peut autoriser la détention préventive
que lorsque l’Auditeur militaire tient à détenir quelqu’un préventivement au-
delà de douze mois.

Même dans cette hypothèse, la loi n’a pas non plus prévu des voies de recours contre la décision du juge militaire. Il s’agit là d’une violation continue et larvée des droits de l’Homme.

Face à tout ce qui précède, il y a lieu d’humaniser la détention préventive en
incorporant les droits de la défense.

II. PLAIDOYER EN FAVEUR DE L’ÉPANOUISSEMENT DE DROIT DE LA
DÉFENSE EN CAS DE DÉTENTION PRÉVENTIVE

La détention préventive telle qu’organisée en droit pénal militaire ne peut
laisser indifférent les chercheurs particulièrement les défenseurs des Droits humains.

C’est pourquoi, il y a lieu de démonter la nécessité de la prise en compte de
droit de la défense ainsi que les conséquences de la non prise en compte de droit de la défense.

A. Conséquences de la non prise en compte de droit de la défense

La négation des droits de la défense entraine notamment des détentions
prolongées et injustifiées (1) sans oublier la méconnaissance des droits reconnus à l’inculpé.

1. Des détentions prolongées et injustifiées

Il faut reconnaitre d’ores et déjà que la détention préventive telle qu’organisée dans le code judiciaire militaire peut durer douze mois. Cette durée se justifierait notamment par la complexité des enquêtes des faits infractionnels relevant de la compétence des juridictions militaires.

Nous pensons que le caractère prolongé des détentions préventives est congénital.

A cet effet, l’article 209 al 3 du code judiciaire dispose : « … Si la peine prévue
est égale ou supérieure à six mois, la prorogation de la détention préventive ne peut dépasser douze mois consécutifs… ».

L’auditeur militaire étant seul à décider de la détention préventive peut, par ses caprices ou motifs inavoués, détenir quelqu’un selon son gré. Le pouvoir
discrétionnaire détenu par ce dernier en matière de détention préventive est source de moult abus de pouvoir, l’auditeur apparait donc comme celui qui a un pouvoir absolu, une pièce maitresse.
La pratique judiciaire démontre que beaucoup de magistrats militaires
détiennent les personnes parfois sans équité. Hormis l’équité, les détentions
dans les juridictions militaires sont longues et injustifiées. Dans la plupart de
cas, les magistrats justifient la détention préventive par certains devoirs
d’enquête même si l’on sait les motifs sont souvent inavoués (vengeance,
punition, appât du cautionnement, des détentions téléguidées…).

Le recours intempestif aux détentions préventives est devenu un gagne-pain pour les magistrats à la suite de cautionnement perçu en dépit du fait que l’article 212 al 1er du code judiciaire militaire interdit le recours au cautionnement en cas de mise en liberté provisoire.

Curieusement, malgré tous les temps de détention que prennent ces magistrats au motif d’enquête, la plupart des dossiers instruits par eux sont vides car l’instruction préparatoire a été frivole.

En effet, dans l’affaire sous RP 1217/20 où l’auditeur militaire de garnison
de Kinshasa/Gombe a, par sa décision de renvoi, attrait les policiers qui auraient volé chez NE MWANDA NSEMI à l’occasion de son arrestation
intervenue en date du 24 avril 2020, il y a eu des policiers détenus préventivement pendant près de six mois pour avoir volé soit la margarine, les bidons vides d’huile, l’antenne. Curieusement, lors des audiences, le ministère n’a pas apporté des preuves irréfutables pouvant emporter la conviction du tribunal.

A quoi aurait servi tout le temps que ces policiers ont passé en détention préventive.

2. Méconnaissance des droits reconnus à l’inculpé

Une conséquence indiscutable c’est bel et bien la méconnaissance des droits
reconnus à l’accusé. En effet, l’inculpé bénéficie de certains droits dont les droits de la défense, la présomption d’innocence, le droit à la visite, le droit à
un environnement sain….

Cependant, certains de ces droits sont torpillés. Dans le cadre de cette recherche, l’accent a été mis sur le droit à la présomption d’innocence17.

En effet, en droit international, l’article 11 point 1 de la déclaration universelle des droits de l’Homme dispose : «Toute personne accusée d’un acte
délictueux est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été légalement établie au cours d’un procès public ou toutes les garanties nécessaires à sa défense lui auront
été assurées ».
En droit interne, le droit à la présomption d’innocence est aussi affirmé.
C’est ainsi que le dernier alinéa de l’article 17 de la constitution dispose : « Toute personne accusée d’une infraction est présumée innocente jusqu’à ce que sa culpabilité ait été établie par un jugement définitif ».

Il découle de ces instruments juridiques
que toute personne qui commet une infraction, même en cas de flagrance, doit être regardé comme n’ayant pas commis cette infraction. La présomption
d’innocence cesse à partir du moment où le jugement intervient après un procès équitable où toutes les garanties procédurales ont été au rendez-vous.

Malheureusement, faute des maisons d’arrêt censées recevoir les détenus
préventifs, les prisons congolaises civiles ou militaires reçoivent aussi les détenus préventifs.

Par conséquent, ils sont tous traités de la même manière et vivent dans les mêmes conditions. Certains magistrats perçoivent les inculpés comme coupables et cela a pour conséquence d’entrainer le refus de l’octroi des
mesures de recouvrement de liberté.

En outre, les détenus préventifs sont
soumis au même régime que les condamnés. En somme, leur régime carcéral est le même que celui des condamnés ; une violation flagrante de la
présomption d’innocence.

Au regard de tout ce qui précède, il est nécessaire de prendre en compte les
droits de la défense.

B. Nécessité de la prise en compte des droits de la défense

Cette recherche a démontré que les droits de la défense souffrent
énormément devant les juridictions militaires notamment en ce qui concerne le placement en détention préventive.

Les droits de la défense font partie des
droits de l’Homme qui sont universels, interdépendants, inaliénables et solidaires.

A ce titre, les justiciables des juridictions militaires, étant des êtres humains,
doivent impérativement bénéficier des droits de la défense dans son intégralité
au cours de processus de la détention préventive.

Cette prise en compte des droits de la défense passe par l’institution d’un
contrôle juridictionnel et l’incorporation des voies de recours.

1. Institution d’un contrôle juridictionnel

Le contrôle juridictionnel de la détention préventive s’avère très important dans la mesure où il limiterait les abus découlant du pouvoir discrétionnaire de l’auditeur militaire en matière d’appréciation de la détention préventive.

A l’heure actuelle, l’auditeur militaire apparait comme juge et partie ; il  poursuit et statue en même temps sur la détention.

En cas d’irrégularités dans la détention, le code judiciaire militaire ne prévoit aucunement des mécanismes formels de contrôle de la détention.

Pour ce faire, à l’instar du code de procédure pénale qui prévoit un contrôle juridictionnel de la détention, nous plaidons en faveur de la mise en place d’un contrôle juridictionnel de la détention préventive.

D’où nous proposons la modification de l’article 209 alinéa 1er du code judiciaire militaire comme suit : « Si l’instruction de l’affaire doit durer plus de quinze jours et que le magistrat instructeur militaire estime nécessaire de maintenir
l’inculpé en détention, il en réfère au tribunal militaire de police du ressort.

Celui-cistatue sur la détention provisoire et décide sur sa prorogation pour un mois ; et, ainsi de suite, de mois en mois, lorsque les devoirs d’instruction dument justifiés l’exigent ».

De lege ferenda, le contrôle de la détention préventive devra être confié au
tribunal militaire de police du ressort qui sera appelé à jouer le même rôle que
le tribunal de paix. Cela réduira sensiblement les abus constatés en matière de détention préventive et l’auditeur militaire ne sera plus le tout puissant, l’imparable. En somme, ce sera le triomphe des droits humains.
S’agissant des justiciables de la Haute cour militaire, nous souhaitons que cette même juridiction soit rendue compétente en vue de statuer sur la détention préventive de ses justiciables.

2. Incorporation des voies de recours

Une fois que le tribunal militaire de police sera rendu compétent pour statuer en matière de détention préventive, il sera pourvu aux voies de recours.

En effet, les juges de police statuant en matière de la détention préventive peuvent aussi commettre des abus ou erreurs et qu’à cet effet, il sera  recommandé de mettre en place des voies de recours.

Pour ce faire, le code judiciaire militaire devra rendre compétent le tribunal militaire de garnison pour connaitre de l’appel des ordonnances rendues par le tribunal militaire de police en matière de détention préventive. Dans ce cas, le tribunal militaire de garnison siégera aussi en chambre du conseil.

La faculté d’interjeter appel appartiendra à l’Auditeur militaire et à l’inculpé.

CONCLUSION

La République Démocratique du Congo est un État de droit et prône le
respect inconditionnel des droits de l’Homme qui sont universels, inaliénables, interdépendants et solidaires.

Les droits de la défense faisant partie des droits civils et politiques, droits de la deuxième génération, doivent être observés et l’Etat en est débiteur. Il est
à préciser que les droits de la défense trouvent leur fondement juridique dans
les instruments juridiques internationaux que nationaux.

Cependant, en dépit de sa consécration par ces différents instruments juridiques de portée internationale que nationale, les droits de la défense sont étouffés en droit procédural militaire particulièrement en ce qui concerne le processus de placement en détention préventive.

Point n’est besoin de rappeler que la liberté individuelle est le principe et
que la détention est une mesure exceptionnelle. En effet, au cours du placement en détention préventive, on doit accorder au prévenu l’occasion de se défendre c’est-à-dire de contester la détention préventive et de faire recours contre la décision ordonnant sa mise en détention préventive.

Malheureusement, l’article 209 de loi n°023/2002 du 18 novembre 2002
portant code judiciaire militaire a fait de l’Auditeur militaire l’autorité décisionnelle en matière de la détention préventive et de sa prorogation.

En outre, la loi ne prévoit aucun mécanisme légal pouvant permettre à l’inculpé d’exercer une quelconque voie de recours.

Nos recherches ont démontré que cette manière d’organiser la détention  préventive est en marge des Droits de l’Homme car les justiciables des  juridictions militaires sont bel et bien des êtres humains devant aussi bénéficier de ces droits. En outre, cela occasionne entre autres moult détentions prolongées et injustifiées sans préjudice des violations des autres droits
inhérents à la personne.

A cet effet, nous avons fait un plaidoyer pour la prise en compte des droits de la défense dans le processus de placement en détention préventive afin d’endiguer les récurrentes violations des droits de l’Homme constatées.

L’humanisation de la détention préventive devant les juridictions militaires passe notamment par la prise en compte des droits de la défense qui se peut se
concrétiser par l’institution de la chambre du conseil (cette tâche sera dévolue
au tribunal militaire de garnison) et par les voies de recours.

Nous pensons qu’une fois que les droits de la défense seront pris en charge, le prévenu sera mis à l’abri du sentimentalisme et de l’arbitraire qui caractérisent malheureusement la plupart des magistrats militaires.

Outre les droits de la défense qui sont mis en quarantaine pendant la
procédure de placement en détention préventive, tant de personnes
poursuivies et détenues par certains services de renseignements n’ont pas droit à l’avocat.

Cette situation calamiteuse nécessite des réflexions de la part de tous ceux qui s’intéressent à la question des Droits de l’Homme.

 

Christian MUKUNGAMPIO MUKWA
Assistant de recherche au CRIDHAC, Faculté de droit/Université de Kinshasa

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