Jeudi, 16 avril 2024-En 1985, au cœur d’une guerre froide figée depuis des décennies, Mikhaïl Gorbatchev accède au pouvoir à la tête d’une Union soviétique vacillante. Il engage aussitôt un ambitieux programme de réformes articulé autour de deux maîtres-mots devenus historiques : perestroïka (restructuration) et glasnost (transparence).
Mus par la volonté de sauver un système à bout de souffle, ces remèdes vont paradoxalement précipiter la chute du malade. En moins de six ans, le glacis soviétique se fissure, le mur de Berlin s’écroule, les républiques s’émancipent, le pacte de Varsovie se dissout, et l’URSS s’efface du concert des nations.
Le monde entre alors dans une ère unipolaire dominée sans partage par les USA grisés par leur triomphe et tentés par l’hubris impérial.
Dans ce nouvel ordre international, Washington s’arroge le droit d’intervenir urbi et orbi, souvent sans mandat onusien, au nom d’un universalisme démocratique parfois cyniquement instrumentalisé.
L’invasion de l’Irak en 2003 en est le paroxysme : justifiée par une rhétorique mensongère sur de prétendues armes de destruction massive, elle se solde par l’arrestation de Saddam Hussein, exhibé tel un délinquant de droit commun, puis exécuté sans que l’ombre d’un arsenal prohibé n’ait jamais été retrouvée.
Quelques années plus tard, en 2011, sous la houlette de N. Sarkozy et avec l’appui logistique des États-Unis, l’OTAN intervient brutalement en Libye. Le régime de Mouammar Kadhafi s’effondre, le Guide est lynché dans des conditions d’une barbarie choquante. Derrière l’argument humanitaire, de nombreuses zones d’ombre subsistent :affaire sentimentale, enjeux énergétiques, ambitions personnelles, règlements de comptes diplomatiques. Le résultat est sans appel :un État failli, un Sahel en flammes, et une communauté internationale sombrant dans le mutisme.
Aujourd’hui, dans un registre différent mais aux conséquences systémiques comparables, D. Trump ,incarnation flamboyante d’un nationalisme économique et d’un populisme assumé ,semble avoir amorcé une autre forme de rupture : celle de l’hégémonie économique américaine.
En érigeant des barrières douanières tous azimuts, il pensait réindustrialiser l’Amérique et protéger ses classes laborieuses. Mais la Chine, pendant que l’ Europe se plaint et tergiverse, loin de se laisser intimider, a répondu avec une célérité stratégique.
Pékin riposte avec une surtaxation spectaculaire des produits américains, certaines atteignant des sommets de 84 %. Pire encore, la Chine révèle à gde échelle que des marques occidentales de luxe ,Hermès, Dior, Gucci, Versace , sous-traitent leurs productions à des prix dérisoires sur son sol pour les revendre à prix d’or en Occident. L’indignation est virale :les appels au boycott se multiplient, des compagnies chinoises annulent des commandes de Boeing, et les marchés s’enracinent dans la fébrilité. L’empire économique vacille.
Sur l’échiquier géopolitique, la Russie poursuit son retour en puissance, redessinant les contours d’un monde multipolaire sous un Poutine qui n’a jamais digéré l’ effondrement de l’empire soviétique. Tandis que les États-Unis s’épuisent dans leurs fractures internes et leurs croisades commerciales, la Chine, imperturbable, avance ses pions dans les domaines stratégiques : intelligence artificielle, transition énergétique, routes de la soie numériques.
Ainsi, en croyant restaurer la grandeur américaine, Donald Trump pourrait bien avoir enclenché une dynamique de repli et de déclin. En prétendant raffermir la domination américaine, il en a révélé les fragilités, tout comme Gorbatchev, en voulant moderniser l’URSS, en avait signé l’acte de décès.
Alors, Donald Trump serait-il le Gorbatchev américain ? L’homme par qui s’écrit, malgré lui, le crépuscule d’un empire ? L’Histoire, toujours friande d’ironie tragique, pourrait bien faire de lui le déconstructeur involontaire de la Pax Americana.
Steve MBIKAYI MABULUKI
Député national