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RDC-CENI : comment sortir de l’impasse ?

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Lundi, 11 octobre 2021-Depuis plusieurs mois, la désignation du nouveau président de la Commission électorale (CENI) se fait attendre. En cause, le désaccord persistant entre les confessions religieuses chargées de la nomination du candidat. 

Un impossible consensus que nous décryptons avec Jean-Jacques Mamba, député national du MLC et membre du G13.

Afrikarabia : Jean-Jacques Mamba, comment expliquez-vous le blocage dans la désignation du président de la CENI par les confessions religieuses ?

Jean-Jacques Mamba : La difficulté se situe au niveau de la loi qui laisse la possibilité aux confessions religieuses, lorsqu’il n’y a pas consensus, de désigner le président de la CENI par vote. Et lorsque certaines confessions se liguent en groupe majoritaire, avec des « petites » confessions religieuses d’un côté et des grandes églises comme les catholiques et les protestants de l’autre… forcément ça bloque ! Nous avons essayé de contourner l’obstacle en modifiant la loi, mais malheureusement la loi organique de la CENI n’a pas changé, et cela posera les mêmes difficultés à chaque cycle électoral.

Afrikarabia : Concernant le désaccord entre les confessions religieuses, est-ce que vous pensez qu’il y a un véritable problème avec la candidature de Denis Kadima que les catholiques et les protestants accusent d’être proches du président Félix Tshisekedi ?

Jean-Jacques Mamba : Nous avons des allégations de pressions, de menaces, des témoignages avec des enregistrements audios. Si ces enregistrements existent, même illégaux, et qu’ils démontrent des tentatives de corruption des confessions religieuses pour imposer un candidat, c’est normal que cela pose problème. Maintenant, nous n’avons pas les preuves et la justice ne s’est pas saisie du dossier. Il est donc difficile pour nous de dire si la candidature de monsieur Kadima est problématique. Nous constatons simplement qu’il n’y a pas consensus et que les deux grandes églises, catholique et protestante, refusent cette candidature qu’ils jugent purement politique.

Afrikarabia : Est-ce que ce blocage ne montre pas les limites du sytème de désignation du président de la CENI, en confiant aux seules confessions religieuses ce rôle éminemment politique. Ce système n’est-il pas à bout de souffle ?

Jean-Jacques Mamba : C’est un sytème à bout de souffle. J’ai moi-même, dans le cadre du G13 et de mon groupe parlementaire, avancé des idées pour élargir ce système de désignation des membres du bureau de la CENI à l’ensemble de la population. Avec une commission nationale et un système de tirage au sort. Cette dose d’aléatoire éviterait ainsi les pressions. Il est tout à fait anormal que ce soit actuellement les équipes qui choisissent leurs joueurs.

Afrikarabia : Est-ce que cette bataille pour la désignation du président de la CENI ne montre pas que tout le monde veut contrôler la Commission électorale, parce que contrôler la CENI serait le seul moyen de gagner les élections au Congo ?

Jean-Jacques Mamba : Lorsque vous avez une majorité et une opposition au niveau du parlement et que vous transposez cette configuration dans un bureau de la Commission électorale, censé être neutre et organiser les élections, il y aura toujours des discutions interminables et des polémiques. C’est un problème de loi et nous devons avoir le courage de modifier la loi. Avec ce blocage, nous sommes en train de perdre beaucoup de temps. Il y a également un climat de suspicion qui grandit. Si on a l’impression que les élections ne sont pas transparentes, il s’en suivra obligatoirement des problèmes de légitimité. Cela fait à peu près 50 ans que nous vivons comme cela. Nous avons besoin d’un pays dans lequel sa population croit dans ses institutions.

Afrikarabia : Que faut-il faire, selon vous, pour sortir de l’impasse ?

Jean-Jacques Mamba : Nous sommes dans une impasse totale parce qu’on ne peut pas s’écarter de la loi. Il faut un consensus et par deux fois, l’Assemblée nationale a renvoyé dos à dos les confessions religieuses… sans résultat. A ce stade, il faut des décisions politiques courageuses en modifiant la loi. Il faut ouvrir la discussion à d’autres acteurs. Et peut-être que le chef de l’Etat, en tant que garant du bon fonctionnement des institutions va prendre la main ramener la confiance entre les partenaires.

Afrikarabia : Alors, au-delà du problème de la désignation du président de la CENI, qui retarde le processus électoral, où en est-on du financement des élections, du recensement de la population, de la loi électorale ?

Jean-Jacques Mamba : Séquenciellement cela va poser des problèmes. Tout simplement parce qu’après la loi organique, nous avons la loi électorale. Il faut que nous nous mettions d’accord sur les règles du jeu de l’élection proprement dite. Il y a des questions sur l’organisation des élections à deux tours, sur les cautions, le sort des indépendants… Et d’un autre côté, il y a le fichier électoral. Est-ce que nous allons aller dans le sens d’un recensement, de telle sorte qu’on puisse extraire du fichier consolidé les personnes en mesure de voter, ou nous allons faire comme les autres années en remettant à jour le fichier électoral, ce qui est coûteux. Avec le G13, nous avions consulter l’ONIP (Office national d’identification de la population) qui nous garantissait qu’avec un budget de 350 millions de dollars, on pouvait avoir un fichier consolidé au plus tard en octobre 2022. Malheureusement, pour l’instant, ces fonds ne sont toujours pas décaissés.

Afrikarabia : Revenir à des élections à deux tours, c’est encore possible ?

Jean-Jacques Mamba : C’est possible et surtout, c’est important ! Aux dernières élections, le chef de notre majorité a été élu avec plus ou moins 7 millions de voix. Cela fait à peu près 1 Congolais sur 10 qui l’a élu. Avec une majorité plus confortable, on a une meilleure assise, une meilleure légitimité et on peut mieux piloter les politiques publiques. Le retour à un scrutin à deux tours est important et nous l’avons présenté, avec le G13, dans notre proposition de loi que nous allons défendre pendant cette session parlementaire. Naturellement, il faudra revenir sur la Constitution pour cette question.

Afrikarabia : On le voit, les incertitudes s’accumulent sur la tenue des élections dans les délais. Y a-t-il un vrai risque de glissement du calendrier électoral ?

Jean-Jacques Mamba : Les techniciens vous diront que cela reste possible, mais ils travaillent en fonction des moyens qu’ils reçoivent et des lois qui s’appliquent. Pour le moment, il y a blocage, mais lorsque nous aurons terminé nos discussions politiques, ce sont eux qui pourront nous dire ce qu’ils sont en mesure de faire. Nous avons déjà des machines à voter qui ont été utilisées lors des dernières élections, et que nous pouvons redéployer rapidement. Il y a ensuite des délais que l’on peut comprimer. Et si nous effectuons plus tôt le recensement, en mars-avril 2023, nous pourrons organiser les élections dans les délais. Mais les craintes sont là. Les discussions politiques retardent le processus et sur le plan financier, nous attendons le projet de budget 2022 et nous verrons bien les moyens qui ont été attribués aux élections.

Afrikarabia : Est-ce que vous sentez une vraie volonté de la majorité présidentielle et de Félix Tshisekedi d’organiser les élections dans les délais, en 2023 ?

Jean-Jacques Mamba : Un chef de l’Etat et une majorité ne peuvent être à l’aise qu’en respectant les textes. On a bien vu ce qui s’est passé entre 2016 et 2018. Je pense que le chef de l’Etat est conscient qu’il faut des élections en 2023, et il l’a dit. Maintenant, il faut nous mettre à pied d’oeuvre pour les réaliser. Mais je ne sais pas mesurer la volonté. Ce que je peux mesurer, c’est ce qui se passe sur le terrain pour régler les préalables pour aller aux élections. Ensuite, il y a bien sûr les questions budgétaires, et cela nous le verrons avec le ministre lorsque nous discuterons du budget 2022, puis les questions techniques avec la CENI et l’ONIP pour le fichier consolidé des électeurs. Mais il faut d’abord régler les préalables et après nous étudierons les questions techniques et financières.

Propos recueillis pas Christophe Rigaud – Afrikarabia

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